Questions oubliées
D'après les informations qui nous sont transmises par nos correspondants en Guadeloupe, cette situation émaillée de défilés, de manifestations, de fermetures des magasins et des stations services, ne s'explique pas seulement par de simples revendications de pouvoir d'achat. C'est le fonctionnement de l'économie des Iles, avec la dominance et le comportement des "békés" -les blancs descendants des colons- qui est mis en cause. Le contexte de crise économique tend, bien sûr, aux crispations entre communautés. C'est dire que le problème est profond. Mais ce n'est pas pour autant que les journalistes parisiens qui, l'autre soir, interrogeaient Nicolas Sarkozy ont cru utile de solliciter l'avis du président de la République. Lequel n'a pas non plus abordé le sujet de lui-même. Ce qui confirme bien l'analyse que nous faisons ci-contre. Peut-être à l'avenir serait-il bon de ne pas toujours recourir aux mêmes têtes lors des shows présidentiels! La carence a même été soulignée par Patrick Karam, délégué interministériel à l'égalité des chances dans la France d'Outre-Mer, qui s'est étonné qu'aucun journaliste n'ait interviewé le président sur ce dossir. "Qu'auraients-ils fait si une telle situation s'était produite à Bordeaux, à Lille ou à Nice" ? demande-t-il.
Un documentaire explosif
File de véhicules en quête de carburant samedi à la Guadeloupe
La programmation par "Canal Plus Antilles", vendredi dernier, d'un reportage intitulé "les békés, les derniers maîtres de la Martinique" semble avoir quelque peu envenimé les choses sur le terrain. Des pressions ont eu lieu en Guadeloupe pour que ce documentaire n'y soit pas vu, et il semble que sa diffusion y ait subi des coupures, ou des interruptions. Le président du "Mouvement pour la réparation, " Garcin Malsa "avait mis en garde le pouvoir français face aux pressions de la caste béké". Quoi qu'il en soit ,les magasins ont fermé en Martinique, et les postes d'essence sont à sec. Les manifestants réclament une hausse des salaires de 300 euros, soit 100 de plus que les Guadeloupéens. En Guadeloupe, les stations se sont remises à fonctionner, mais sans doute pour peu de temps puisque l'unique dépôt de carburant, celui de la Sara, filiale de Total, est bloqué. L'information dans l'Ile circule mal, les personnels de RFO Guadeloupe n'assurant qu'un service minimum. Les super-marchés ouvrent quelque peu, mais sont vite contraints de baisser leurs rideaux. Quant aux touristes, ils ont fui depuis longtemps, ce qui ne peut qu'alourdir le bilan économique de la grève. Les négociations entre le LKP, les collectivités et Yves Jego se poursuivaient en fin de journée, mais il est à se demander si les avancées sont susceptibles de mettre un terme à la crise. Lorsqu'il y en a, elles sont sanctionnées par de nouvelles actions. Le LKP poursuivait samedi soir la mobilisation à Pointe-à-Pitre avec un meeting festif sous le signe du rap et du zouk....
Communiqués contradictoires
En fin de journée, à Paris, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités Territoriales, a salué "l'état d'avancement des négociations conduites par Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer, en Guadeloupe comme elle a déjà eu l'occasion de le dire mardi et mercredi devant la représentation nationale". "Grâce,ajoute-t-elle, à l'action menée par le secrétaire d'Etat, les différents participants à la négociation ont pu trouver un accord sur la plupart des questions abordées à la demande du collectif." Le communiqué poursuit: "Michèle Alliot-Marie fait confiance à la détermination d'Yves Jégo et à la bonne volonté de tous pour aboutir dans les meilleurs délais à un accord global permettant à la Guadeloupe et à sa population de retrouver une vie sereine."
Cependant, le Collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon ne semble pas l'entendre de cette oreille et "apporte un démenti formel aux allégations de Mme ALLIOT-MARIE, Ministre chargée de l'Intérieur, selon lesquelles un accord serait intervenu pour la plupart des points contenus dans la plate-forme de revendications du LKP.
" Le Collectif LIYANNAJ KONT PWOFITASYON réaffirme, qu'au contraire, il n'y a aucun point d'accord notamment en ce qui concerne le relèvement de 200 € des bas salaires, des retraites et des minima sociaux, la baisse du prix de l'essence et des produits de première nécessité.,
"Il appelle les Travailleurs et le Peuple de Guadeloupe à poursuivre plus que jamais la grève générale déclenchée le Mardi 20 Janvier 2009. La grève continue".
A suivre....
Un pré-accord?
Aux dernières nouvelles de ce dimanche, un pré-accord serait intervenu entre le patronat et la comité LPK. Il porterait notamment sur une hausse de 200 euros des salaires jusqu'à 1,6 SMIC, disposition qui figurait d'ailleurs dans le message d'Yves Jego, et qui bénéficierait à 45 000 Guadeloupéens.. Mais le coût de cette mesure qui serait de 108 millions d'euros devrait être compensé par l'Etat auprès des entreprises par une réduction de charges sociales. Le dossier serait soumis à l'arbitrage de Matignon. Sur place, les négociations devaient reprendre dans la soirée de ce dimanche . En fait, Yves Jego a décidé de rentrer à Paris alors qu'il avait décidé de rester sur place jusqu'à la fin des négociations. D'où un vif mécontentement en Guadeloupe. Le préfet, Nicolas Desforges explique cependant "qu'il est parti discuter de certains aspects du dossier avec le Premier ministre, et qu'il reviendra pour une réunion conclusive".