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En ce 1er-Mai, journée internationale des travailleurs, nous célébrons celles et ceux qui se sont battus et se battent encore pour une meilleure reconnaissance de leurs droits et de leurs revendications au travail. Un moment choisi pour penser à l’avenir et le préparer.
Beaucoup ont parlé trop vite et ont dit que la France post-covid serait atteinte d’un immense flegme. D’autres que les Français n’aiment pas le travail. Ces propos ne disent rien des Français mais en disent long sur ceux qui les tiennent.
La vérité est ailleurs. Le problème du travail, en France, c’est avant tout celui du manque de considération, du manque de rétribution. D’un aveuglement en plein jour sur ses réelles conditions.
Éboueurs, infirmières, caissières, ouvriers, manœuvres, commerçants, nettoyeurs, chauffeurs de bus, de trains, cheminots… Livreurs et femmes de ménage uberisés, ouvriers agricoles, employés résidant à des dizaines de kilomètres de leur lieu d’activité, enseignants au bord de la crise de nerf, intérimaires du bâtiment : des centaines, des milliers de professions sont à nommer. Des dizaines de millions de Françaises et de Français souffrent de ce qui devrait être source d’épanouissement, de satisfaction et d’accomplissement personnel.
On rhabille de néologismes un retour au « tâcheronnage » et on se passionne pour des outils novateurs mais encore peu maîtrisés qui, de toutes façons, ne sauront jamais ramasser vos poubelles ou apprendre la vie en société à nos enfants. Des faux-semblant de modernité font office de progrès. On oublierait presque que les algorithmes qui régissent les moindres faits et gestes des employés d’Amazon n’ont rien inventé : on les appelait dans le temps des contremaîtres.
La réalité du travail, en France, c’est l’histoire d’un malaise.
Celui qu’expriment à la fois des employés révoltés et quelques chercheurs spécialistes de la question, à l’instar de Dominique Méda.
Le travail est en France, d’un côté, une valeur qui fait l’unanimité, un motif de fierté. Mais c’est aussi une source de mal-être majeur, un vecteur de maladies et d’infirmités de long terme, qu’elles soient physiques ou psychiques. La faute à des conditions toujours plus dégradées, à des services publics sous-financés et à un secteur privé mis au tempo des algorithmes. Sur ce sujet, notre pays se classe parmi les plus mauvais élèves d’Europe, comparable à des États comme la Slovaquie et la Pologne, peu réputés pourtant pour leurs États-Providence.
C’est le malaise d’une aide-soignante surmenée, éreintée par la douleur de son corps abimé à coups d’horaires intenables et épuisée de devoir choisir lequel de ses voisins elle pourra, ou non, soigner. J’en ai connu, je peux vous en parler.
Toutes les professions que nous avons citées, ces millions de gens qui souffrent, ont une chose en commun : ils produisent des biens ou des services que certains, éblouis qu’ils puissent être par leur fausse idée du progrès, tiennent pour acquis.
Il n’y a pas d’acquis sociaux, uniquement des conquis.
Ce ne sont pas des machines qui font notre société. Ce sont des hommes, des femmes, des travailleuses et des travailleurs toujours plus précaires, toujours plus nombreux à multiplier les arrêts maladies parce qu’harassés par l’ouvrage, toujours plus nombreux à devoir compléter leur panier de course à l’aide alimentaire. Toujours plus nombreux à recevoir l’injonction de « traverser la rue », de travailler deux voire trois ans de plus, et si possible, plus d’heures par semaine. Toujours plus nombreux, aussi, à vouloir tourner le dos à une République qui ne leur oppose que des fins de non-recevoir.
Pour elles, pour eux, les sujets à aborder sont tout aussi nombreux : la pénibilité, le temps de travail effectif et le paiement des heures supplémentaires dues, le temps partiel imposé, les contrats précaires, les inégalités salariales entre femmes et hommes, les sous-effectifs chroniques, les écarts de salaire à 3 ou 4 chiffres de haut en bas de la hiérarchie…
Nous devons parler des conditions de travail. Nous devons aborder tous les sujets. Sans tabou, dans un dialogue franc et direct. Nous devons parler du poids des années, nous devons faire preuve d’ambition pour l’égalité salariale, nous devons soigner notre hôpital, nous devons apprendre des errements de notre éducation nationale. Nous devons refuser les reculs, les uns après les autres, de nos droits.
Ce 1er-Mai, plus que tout autre jour, me semble le moment opportun de prendre le temps de penser à celles et ceux qui prennent soin de nous. Penser pour panser notre société.
Beaucoup ont parlé trop vite et ont dit que la France post-covid serait atteinte d’un immense flegme. D’autres que les Français n’aiment pas le travail. Ces propos ne disent rien des Français mais en disent long sur ceux qui les tiennent.
La vérité est ailleurs. Le problème du travail, en France, c’est avant tout celui du manque de considération, du manque de rétribution. D’un aveuglement en plein jour sur ses réelles conditions.
Éboueurs, infirmières, caissières, ouvriers, manœuvres, commerçants, nettoyeurs, chauffeurs de bus, de trains, cheminots… Livreurs et femmes de ménage uberisés, ouvriers agricoles, employés résidant à des dizaines de kilomètres de leur lieu d’activité, enseignants au bord de la crise de nerf, intérimaires du bâtiment : des centaines, des milliers de professions sont à nommer. Des dizaines de millions de Françaises et de Français souffrent de ce qui devrait être source d’épanouissement, de satisfaction et d’accomplissement personnel.
On rhabille de néologismes un retour au « tâcheronnage » et on se passionne pour des outils novateurs mais encore peu maîtrisés qui, de toutes façons, ne sauront jamais ramasser vos poubelles ou apprendre la vie en société à nos enfants. Des faux-semblant de modernité font office de progrès. On oublierait presque que les algorithmes qui régissent les moindres faits et gestes des employés d’Amazon n’ont rien inventé : on les appelait dans le temps des contremaîtres.
La réalité du travail, en France, c’est l’histoire d’un malaise.
Celui qu’expriment à la fois des employés révoltés et quelques chercheurs spécialistes de la question, à l’instar de Dominique Méda.
Le travail est en France, d’un côté, une valeur qui fait l’unanimité, un motif de fierté. Mais c’est aussi une source de mal-être majeur, un vecteur de maladies et d’infirmités de long terme, qu’elles soient physiques ou psychiques. La faute à des conditions toujours plus dégradées, à des services publics sous-financés et à un secteur privé mis au tempo des algorithmes. Sur ce sujet, notre pays se classe parmi les plus mauvais élèves d’Europe, comparable à des États comme la Slovaquie et la Pologne, peu réputés pourtant pour leurs États-Providence.
C’est le malaise d’une aide-soignante surmenée, éreintée par la douleur de son corps abimé à coups d’horaires intenables et épuisée de devoir choisir lequel de ses voisins elle pourra, ou non, soigner. J’en ai connu, je peux vous en parler.
Toutes les professions que nous avons citées, ces millions de gens qui souffrent, ont une chose en commun : ils produisent des biens ou des services que certains, éblouis qu’ils puissent être par leur fausse idée du progrès, tiennent pour acquis.
Il n’y a pas d’acquis sociaux, uniquement des conquis.
Ce ne sont pas des machines qui font notre société. Ce sont des hommes, des femmes, des travailleuses et des travailleurs toujours plus précaires, toujours plus nombreux à multiplier les arrêts maladies parce qu’harassés par l’ouvrage, toujours plus nombreux à devoir compléter leur panier de course à l’aide alimentaire. Toujours plus nombreux à recevoir l’injonction de « traverser la rue », de travailler deux voire trois ans de plus, et si possible, plus d’heures par semaine. Toujours plus nombreux, aussi, à vouloir tourner le dos à une République qui ne leur oppose que des fins de non-recevoir.
Pour elles, pour eux, les sujets à aborder sont tout aussi nombreux : la pénibilité, le temps de travail effectif et le paiement des heures supplémentaires dues, le temps partiel imposé, les contrats précaires, les inégalités salariales entre femmes et hommes, les sous-effectifs chroniques, les écarts de salaire à 3 ou 4 chiffres de haut en bas de la hiérarchie…
Nous devons parler des conditions de travail. Nous devons aborder tous les sujets. Sans tabou, dans un dialogue franc et direct. Nous devons parler du poids des années, nous devons faire preuve d’ambition pour l’égalité salariale, nous devons soigner notre hôpital, nous devons apprendre des errements de notre éducation nationale. Nous devons refuser les reculs, les uns après les autres, de nos droits.
Ce 1er-Mai, plus que tout autre jour, me semble le moment opportun de prendre le temps de penser à celles et ceux qui prennent soin de nous. Penser pour panser notre société.