Le foie gras, roi du nouveau réveillon
Quelques recherches sur le sujet nous apprennent que ce réveillon, nous vient, en Europe, du Moyen-Age, et qu'il porte la marque des pays d'Oc. La racine du mot est bien "réveil". Il est probable que c'est la pratique de manger "maigre" avant la messe de la nuit de Noël, et "gras" après celle-ci, qui est à l'origine du mot. Le bon chrétien avait le plus grand besoin de se restaurer et de se tenir éveillé. Par conséquent l'origine du réveillon est directement liée à la grande fête de la chrétienté. La messe de Noël, au cours d'une époque où la croyance était généralisée et profonde, était précédée , ou suivie, de longs recueillements religieux tels les mâtines, les nocturnes, ou les laudes. De quoi vous faire piétiner d'impatience et vous creuser l'estomac. Dans la France paysanne du Sud, notamment en Provence, on prévoyait bien longtemps à l'avance cette longue nuit de la Nativité en mettant de côté un vieux tronc d'olivier que l'on brûlerait au cours de celle-ci. Pratique que l'on peut rapprocher de celle du "souqual" en Périgord (des restaurants y portent d'ailleurs encore ce nom): dans ce pays, c'était une grosse souche de chêne ou de châtaignier qui était stockée pour être mise au feu de la cheminée au cours de la longue nuit. Telle était donc la bûche de Noël avant de devenir une pâtisserie chocolatée de la société de consommation.
A table ouverte
Promotion en hyper-marché
Au retour de la messe, le foie gras ne semble pas avoir été de la fête au Moyen-Age, sauf peut-être dans les châteaux. C'est plutôt la cochonnaille qui était au menu: boudins, saucisses, viande de porc salée. Certains voient dans cette pratique une volonté se démarquer, en tant que chrétiens, des Juifs, ceux-ci ne consommant pas de porc. En réalité peut-être faisait-on d'une pierre deux coups:la fête de Noël coïncidait aussi avec la saison des tue-cochon. Quoi qu'il en soit, le menu était relativement simple, et il n'avait rien à voir,avec, deux siècles plus tard, celui de l'Hôtel Carnavalet où logeait Madame de Sévigné au Noël 1677, puisqu'il y eut quelque huit services pour ingurgiter soupes, entrées, rôtis, gros et menus gibier, saumon, carpe, écrevisses, cardons, céleris, vins de Côtes du Rhône et de Languedoc...
Le réveillon de Noël devait ainsi acquérir de la consistance et un faste véritable dans les palais et châteaux, où l'on éprouvait tout de même un réel esprit de charité. Il était en effet de coutume de réserver une place à l'étranger, au voyageur qui pouvait survenir, ou aux pauvres. On mangeait "a table ouverte". Une forme de restaurants du coeur en quelque sorte. On réservait aussi parfois une part de chacun des mets:c'était "la part des morts" auxquels on pensait ainsi faire partager les joies des vivants.
Au-delà du foie gras
Peu à peu le réveillon de Noël a perdu du terrain au profit de la nuit de la Saint-Sylvestre. Le recul du nombre de catholiques pratiquants, l'influence des pratiques anglo-saxonnes et l'échange des voeux n'y sont pas étrangers.Ni la saint-sylvestre, ni le jour de l'An ne sont inscrits dans la liturgie chrétienne, tout au plus les autorités de l'Eglise, choisissent-elles ce jour pour lancer des appels pour la paix. Le réveillon de fin d'année est devenu un occasion de fête, de sortie, alors que celui de Noël était familial et à demeure. On choisit ce moment pour rompre avec les privations des 12 mois écoulés avant d'affronter celles qui nous attendent au cours des 12 suivants. Ou encore pour faire la démonstration de son pouvoir d'achat. On ne songe plus guère à réserver une place à l'Etranger, et on est loin de cette nuit historique qui vit naître Jésus. Peut-être en ces temps difficiles ne devrait-on pas seulement songer aux délices du foie gras et à l'euphorie des coupes de champagne.