Le prix François Mauriac remis à Dominique Fernandez: Ramon ou le poids du père

Ainsi que cela fut dit à plusieurs reprises, le Prix François Mauriac, qui au départ était destiné à récompenser des auteurs originaires d'Aquitaine, revêt depuis 2002, sous l'impulsion du Centre François Mauriac de Malagar, une vocation plus large. Son Jury doit en effet sacrer l'oeuvre "d'un écrivain de langue française dont la teneur manifeste un engagement de l'auteur dans son siècle et qui soit évocateur de la société de son temps". "Ramon" (Editions Grasset) de Dominique Fernandez, à qui a été attribué le Prix François Mauriac 2009 répond parfaitement au cahier des charges puisqu'il est bâti sur la vie du père de l'auteur, Ramon Fernandez. Ce dernier fut, dans le domaine intellectuel, une personnalité marquante, si ce n'est influente, avant et pendant la guerre 1939-45, mais du mauvais côté. Difficile pour le fils, d'être le fils d'un tel père qualifié de "socialiste collaborationniste". Pourtant l'homme fut critique littéraire, romancier, et entretint des relations avec les grands écrivains de son temps: Gide, Saint-Exupery, Bernanos, etc. Mais dans le courant des années 30, il eut le tort de choisir l'engagement dans l'extrême droite à travers le parti populaire français de Jacques Doriot, et d'opter pour le national socialisme. Il devait cependant échapper aux affres de l'épuration. Victime d'une embolie, sa vie prit fin le 2 août 1944, alors qu'il était seulement âgé de 50 ans."C'est à ce père, écrit le président du Jury, Jacques Rigaud, que Dominique Fernandez consacre un livre douloureux et passionnant qui est à la fois un brillant tableau de la vie littéraire de la France entre les années 20 et la Libération, et une histoire intime:celle d'un fils dont la vie a été fortement marquée par la présence-absence de ce père coupable et admirable..."

Le fils juge le père, et essaie de comprendre. Jacques Rigaud -qui ne pouvait être présent à la remise du prix- avait confié son discours à Jacques Monférier, vice-président du Jury, et il ajoutait notamment par la voix de ce dernier "que le vertige de l'oeuvre montre que l'engagement et par définition un risque", et soulignait que livre est aussi un chronique familiale, une biographie exceptionnelle. "On, sent poursuivait-il en s'adressant à Dominique Fernandez, que vous avec porté ce sujet tout au long de votre vie (...) C'est un livre qui ne laissera pas indifférent et qui résonnera longtemps au fond de la conscience de ses lecteurs". Le président du conseil régional d'Aquitaine, Alain Rousset, comme l'avait fait en début de soirée Anne-Marie Cocula, saluait l'oeuvre de Dominique Fernandez, tout en se félicitant de la "clairvoyance" du jury et de son choix. Dominique Fernandez s'adressait quant à lui au nombreux public au terme de cette soirée culturelle -ouverte par un concert du duo Cordebrève qui met en musique des poèmes du 19e siècle- en évoquant le poids de l'héritage paternel , mais aussi les liens qui existaient entre François Mauriac et son père, ainsi qu''entre l'écrivain girondin et lui-même.
Dominique Fernandez est docteur ès lettres, membre de l'Académie française, critique pour la Quinzaine Littéraire, l'Express, le Nouvel Observateur. Il est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages, et initiateur de la "psychobiographie". Il avait obtenu le prix Médicis en 1974 pour "Porporino ou les Mystères de Naples", et le prix Goncourt en 1982 pour "Dans la main de l'Ange.