Ph. Paysud
Le journalisme, les journalistes, ne figurent pas, c'est une évidence, parmi les professions les mieux considérées de l'opinion, et l'exercice de ce métier pas comme les autres n'est pas simple. Ce qui n'empêche pas que celui-ci demeure particulièrement attractif auprès des jeunes, même si les débouchés à la sortie des écoles sont loin d'être garantis. La presse écrite, en particulier quotidienne, on le sait, est en crise, et la presse en ligne qui en est à son avènement, est loin elle-aussi d'avoir trouvé son modèle économique de fonctionnement. C'est dans ce contexte que l'ex-directeur de la rédaction du journal Le Monde, fondateur et président de Mediapart, Edwy Plenel, était invité par l'IJBA (Institut de Journalisme Bordeaux-Aquitaine) à évoquer devant les étudiants "les enjeux de la presse en ligne". Edwy Plenel qui se trouve placé sous les feux de l'actualité pour avoir été avec son journal, à l'origine de l'affaire Bettencourt, avait attiré au plateau télé de l'IJBA une assistance des grands jours, avec un public hors école, et la présence de nombre de ses confrères régionaux. Il faut bien dire que l'intervenant s'est surtout attardé à développer sa vision du journalisme dans l'exercice de la démocratie républicaine. Concernant la presse en ligne, il a souligné le bon choix fait, selon lui, par Mediapart, de l'accès payant, la gratuité et le financement par la publicité ne pouvant, à ses yeux, que handicaper l'indépendance des médias et des journalistes. Pour Edwy Plenel, nous vivons avec le numérique une nouvelle révolution industrielle, et l'information en ligne se situe bien du côté de l'avenir. En instaurant de nouvelles relations avec le public, elle constitue à ses yeux "une opportunité démocratique formidable".
Besoin d'une nouvelle loi en France
Ph Paysud
Le co-fondateur de Mediapart a insisté devant les futurs professionnels de l'information sur le fait que le journalisme libre et indépendant constitue l'un des piliers des démocraties véritables car sans information, "en particulier des non-sachants", cette démocratie ne peut justement fonctionner. Il se réfère d'ailleurs aux sources -la Révolution française, pendant laquelle on a considéré "que le droit de savoir est un droit fondamental", ou encore à divers auteurs, dont Victor Hugo qui estime que "la liberté de la presse est aussi importante que le suffrage universel". Mais pour le journalisme "d'enquête" -il préfère ce mot à celui "d'investigation"-cette liberté doit s'accompagner de la vérité des faits, et il doit donc résister "aux fictions du pouvoir". Dans le dossier Bettencourt, il explique comment les journalistes de Mediapart ont vérifié les faits. Bien que prônant le suivi d'un "agenda autonome" plutôt que celui du pouvoir en place, Edwy Plenel développe la conception d'un journalisme essentiellement politique en quête de ces faits qui peuvent modifier les opinions. Cette vision n'est pas toutefois totalement débarrassée des handicaps venus des microcosmes parisiens. Dans les régions, la vie du village que rapportent d'autres journalistes n'obéit pas nécessairement aux mêmes règles. Mais pour en revenir à cette question de l'information en démocratie, encore faut-il que le public ait envie d'être informé de ces "vérités". Sur ce point, Edwy Plenel cite -à travers Montaigne- à juste titre le Discours de la servitude volontaire du Sarladais Etienne de La Boëtie, mais il en fait surtout une référence pour le journaliste qui , dit-il, "doit savoir dire non". Il reste bien cependant ce point fondamental qu'Edwy Plenel n'a pas abordé: comment inciter le public des "non sachants" à vouloir savoir? En tout cas, l'ex-directeur de la rédaction du Monde estime que "la France a besoin d'une nouvelle loi fondamentale sur la liberté de l'information".