Chorégies d' Orange: deux opéras sous le signe de Georges Prêtre

C'est évident, les drames historiques ou les rudes faits divers conviennent mieux au cadre romain d'Orange que les histoires sentimentales de salon. Ainsi les deux derniers "petits" opéras donnés au pied du mur du théâtre antique -Cacalleria Rusticana de Mascagni et Pagliacci de Leoncavallo- ont-ils trouvé un lieu adapté à l"imaginaire attendu par le spectateur dans une mise en scène de Jean-Claude Auvray. Pour le premier il a suffi d'un long promontoire sur lequel défilent les dévôts du jour de Pâques, d'un chapelet et d'un crucifix géants posés sur les planches pour situer le cadre et l'ambiance d'une dure histoire sicilienne de village placée sous le signe de la religion, de la passion, et de la mort. Cette fois pas de rois, de grands généraux mis en scène, mais la ruralité, et le charme du métier de charretier. Roberto Alagna (Turridu) incontournable à Orange, est bien sûr comme le poisson dans l'eau dans cette affaire qui concerne le pays de ses ancêtres, manifestant une forme vocale à son meilleur niveau et un jeu scénique qui ne manque pas de vaillance. Cependanrt c'est surtout la vaillance vocale de Béatrice Uria-Monzon (Santuzza) qui est à souligner. Dans ce personnage de Cavalleria Rusticana, il lui faut en effet tenir une place de soprano, alors que sa nature est le statut de mezzo. Il faut reconnaître qu'elle a réussi dans cet exercice tout en appuyant sur les nuances de sa voix exprimant le tragique de l'évènement. Cela lui ouvrira peut-être d'autres voies dans sa carrière, et d'ailleurs elle l'espère. On doit aussi saluer les bons débuts à Orange de la jeune soprano Anne-Catherine Gillet (Lola) dans le rôle de la belle épouse convoitée, ainsi que l'excellente contribution de Seng-Hyoun Ko (Alfio) qui a d'ailleurs gagné les faveurs du public.

Avec Pagliacci, on vit une autre histoire de villlage italien qui est le témoignage d'un fait divers vécu par Léoncavallo qui a dailleurs écrit à la fois le livret et la musique de cet opéra.
Ah! La musique! Nous aurions dû commencer par elle. C'est celle de l'Orchestre National de France placé sous la direction du chef de renommée internationale, aujourd'hui âgé de 85 ans, qu'est Georges Prêtre. Ce dernier a dirigé le fameux concert du Nouvel An de Vienne en 2008, et il est invité à récidiver en 2010. Dans Cavalleria Rusticana, Georges Prêtre pousse l'ONF dans le sublime des nuances, et dans tout ce qui exprime la passion et le dramatique de l'histoire, plaçant sous sa baguette magique musiciens et chanteurs. On voudrait que le mémorable Intermezzo n'en finisse pas. A Orange les spectateurs ont pu voir comment l'homme vit et "fait "la musique, les autres en ont seulement eu une petite idée à travers les caméras de France 3 dont on regrettera qu'elles aient un peu sous-estimé l'évènement.
On retrouvera ce grand art musical dans Pagliacci, de sorte Georges Prètre qui, a 85 ans, a montré à Alagna qu'il pouvait encore monter sur la scène sans aide, a remporté un véritable triomphe à Orange. On retrouvait en effet Roberto Alagna (Canio) dans le court opéra de Léoncavallo, lequel retrouvait aussi sa partenaire de l'an passé dans le Faust de Gounod, la blonde Inva Mula (Nedda). Sur un tel fond musical l'association n'a pas déçu bien que la voix d'Inva Mula n'exprime peut-être pas toujours l'acuité du drame.