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Les Chorégies d'Orange se devaient de se recentrer sur la tradition régionale et de redonner une place de choix, entre Verdi, Puccini, ou Bizet, à Mistral par Gounod interposé. Mireille (Mirèio) l'oeuvre la plus connue du poète provençal fut en effet transformée en opéra par l'auteur de Faust avec la contribution de Michel Carré pour le livret. Cette histoire écrite en langue provençale contribuait dans l'esprit de son auteur, à pérenniser celle-ci tout en glorifiant la vie champêtre, ses traditions, ses légendes, ainsi que la foi catholique. Mistral a mis dans ses huit poèmes qui chantent la campagne et l'amour, un lyrisme, un côté fantastique qui ne pouvait qu'inspirer le compositeur. Il est cependant bien difficile de faire ressortir par la voix et les instruments tout le drame qui se joue autour, et sur les eaux profondes du Rhône, su les cailloux de la Crau, ou entre les roches des Baux. Certains ont vu dans Mireille et Vincent les Roméo et Juliette de la Provence rurale. La Mireille de Gounod est aussi un peu une anti-Carmen dans la mesure où elle ne manifeste que soumission à son amoureux, et se meurt "simplement" d'amour impossible. En tout cas l'opéra de Gounod, manié et remanié, connut diverses vicissitudes, et il ne trouva sa version définitive qu'au lendemain de la dernière guerre. Gounod et Carré, opéra oblige, n'ont pas, de plus, respecté à la lettre l'histoire de Mistral. Si bien que donnant une conférence à Orange en marge du spectacle, le Mestre du Félibrige, Michel Alexandre, évoquait l'existence de deux "Mireille"...
Mise en scène géante
On a cependant retrouvé à Orange la version de Mireille la plus proche de l'oeuvre de Mistral grâce à la mise en scène de l'enfant du pays Robert Fortune. La première de cette Mireille à Orange est, pour diverses raisons, survenue sans qu'une répétition générale ait pu être réalisée, ce qui semble avoir quelque peu agacé la soprano Nathalie Manfrino. Pour continuer dans la série, trois gouttes d'eau au milieu du IVe acte, conduisirent Alain Altinoglu, qui dirigeait l'ONBA, à stopper la représentation. Heureusement sa prière au Ciel fut entendue, et chacun se remettait à l'oeuvre quelques minutes plus tard. Tout cela n'aura pas empêché que l'on apprécie la mise en scène géante de Robert Fortune avec une pléthore de choeurs, de costumes et de figurants, et son heureux recours à la projection d'images sur un mur -écran installé au pied du Mur de pierre. Nous regretterons cependant que l'on ait pas profité de la vidéo pour projeter le texte du livret, ce qui, à notre avis, eut renforcé la compréhension de l'oeuvre par le public. On se demande cependant si le mur-écran ne nuisait pas quelque peu à la diffusion des voix, en particulier celle de Nathalie Manfrino. Celle-ci -qui vivait son premier opéra au sein du Théâtre antique -en dépit du manque de préparation (qui a semblé allonger les délais entre les actes) s'en est plutôt bien sortie grâce à son physique, à son excellent jeu de scène, et à sa voix fine et légère bien que peut-être un peu "rentrée" au début. On aura aussi particulièrement apprécié la voix de Florian Laconi (Vincent) et celle de Marie-Ange Todorovitch (Taven). Quant à l'Orchestre National Bordeaux-Aquitaine il a superbement répondu à la baguette fort inspirée d'Alain Altinoglu visiblement pénétré de l'oeuvre de Gounod, démontrant ainsi la capacité de l'ONBA à passer des langueurs garonnaises aux brûlures de la Crau. Côté mise en scène, Mireille, comme l'a voulu Mistral, s'en est allée, grâce à la force de l'image, vers Dieu, confondue et absorbée par la Mer...
Les deux Mireille de Michel Alexandre (vidéo)
Le regard du Mestre d'obro du Félibrige Michel Alexandre (conférence et interview)