Il y a maintenant plus d'un an que la crise du lait secoue les campagnes. Mais ce vendredi les remous ont soulevé un peu plus le couvercle de la "marmite".. La grève du lait est décrétée en France, mais fait nouveau, également dans les 17 pays européens membres de l'Euopean Milk Board (EMB). Dans notre pays et dans le sud-ouest, l'action décrétée par les organisations en marge de la FNSEA (APLI, Association des Producteurs de Lait Indépendants, Coordination Rurale, Confédération Paysanne, MODEF), place le syndicat majoritaire et sa branche lait -la FNPL- dans une position délicate. Cela d'autant plus que le malaise est profond dans les cours de fermes laitières. Une conférence de presse qui s'est tenue en Lot-et-Garonne en présence de plusieurs responsables, a confirmé l'entrée dans le mouvement de ce département, comme ceux de l'Ouest et du Nord. Les litrages non livrés seront comptabilisés. Le mouvement se place également sous le signe de la modernité au plan national avec un site internet explicatif et déjà une vidéo. L'intention affirmée est celle d'un acte volontaire, respectant les biens de chacun et de l'environnement". Les producteurs se disent aussi prêts à donner leur lait aux consommateurs. Grève ou pas grève, les vaches sont à traire. Reste que dans une lettre ouverte aux producteurs, Jean-Michel Lemétayer (FNSEA), Henri Brichart (FNPL) et William Villeneuve (Jeunes Agriculteurs) prennent position contre cette grève du lait. "Qui peut croire à la chimère des 400 euros les 1 000 litres?" interrogent-ils. La question est donc de savoir si la masse des producteurs va rejoindre le mouvement. Les prix annoncés dans le cadre d'un accord interprofessionnel,de l'ordre de 270€ la tonne -alors que les prix de revient seraient 100€ au-dessus- pourraient les y inciter.
La fin des quotas anticipée
Mais que s'est-il donc passé dans le secteur laitier pour que l'on soit allé de l'euphorie de la période 2002-2004, à l'effondrement actuel? L'effet de la crise ? Il ne faut pas en exagérer l'impact. Toutefois l'embellie reposait sur les achats de la Chine, et l'affaire de la mélanine semble avoir freiné les importations de ce pays. En réalité, comme toujours le libéralisme sans frontière a favorisé le yoyo, la demande entraînant d'abord une hausse des prix, puis une hausse mondiale de la production suivie de la dégradation du marché. L'Europe a quant à elle opté pour la suppression des quotas (qui fixent la production au territoire) en 2015 dans le cadre de la réforme de la PAC, et décidé de passer de l'aide aux produits -versée aux entreprises- à l'aide aux producteurs ce qui conduisait à la baisse des prix unitaires. La Commission européenne a, de plus, utilisé tous les outils de gestion des marchés à sa disposition pour maintenir de prix bas. Conséquence:le cours mondial de la poudre de lait s'est effondré. De leur côté les pays de l'Europe du Nord anticipaient le mouvement en entamant dès 2003 la baisse du prix de leur lait alors qu'en France les entreprises le maintenaient. Mais dernièrement, la grande distribution -confortée par la nouvelle loi de modernisation économique- a mis les industries laitières au pied du mur en leur demandant de s'aligner à la baisse. Le système qui sappuyait sur les quotas est ainsi en train de s'effondrer comme un château de cartes pour laisser la place à une libéralisation ignorant les aspects sociaux et ceux se rapportant à la vie des territoires. Cela avec d'autant plus de facilité que les pays du nord de l'Europe, comme le remarque le président de la FRSEA Aquitaine, Henri Biès-Péré, ne se soucient guère de ces aspects. On veut en réalité appliquer au secteur laitier les principes économiques généraux de productivité, de compétitivité et de concurrence. A ce jeu le sud-ouest qui n'a pas les meilleurs herbages, ni le meilleur climat, risque d'être perdant. C'est pourquoi la FRSEA a demandé et obtenu la tenue d'une conférence laitière régionale début octobre qui doit tirer le signal d'alarme.Seuls des systèmes de régulation et de compensations peuvent maintenir élevages et industries dans les régions les moins productives.