Capture d'écran Public Sénat
Discours-programme devant un parterre choisi, puis bain de foule prolongé pendant des heures à travers le Salon International de l'Agriculture de Paris qui ouvrait ses portes ce samedi
Emmanuel Macron, cette année encore, a voulu battre le record chiraquien de la durée de visite inaugurant ce que l'on qualifie de la plus grande ferme, mais qui ne rassemble qu'assez peu d'agriculteurs de la France profonde. On aura d'ailleurs été assez surpris, compte tenu du contexte politique ambiant, du climat relativement tranquille dans lequel s'est déroulée la visite présidentielle. Il est vrai que les gilets jaunes étaient tenus éloignés et qu'une garde rapprochée, si ce n'est une cour favorable, entouraient et sécurisaient le Président. De plus, en la matière, les consignes de la FNSEA comptent pour beaucoup.
M. Macron a profité de l'occasion pour réaffirmer sa vision de l'Europe et de sa PAC, laquelle n'est que le prolongement de "l'ancien monde", une époque où il n'y avait pas de Brexit, et où plusieurs pays n'avaient pas encore compris que leur souveraineté allait être remise en question.
LE NON DIT
Macron prône une PAC révisée, surtout encore plus verte (elle l'est déjà bien!) et bénéficiant d'un budget maintenu. Mais il ne dit pas comment on va faire face à la disparition de la contribution britannique. En réalité ce sont les pays demeurant dans l'UE qui devront payer plus, tant il est vrai que le budget de la PAC n'est que la somme des versements de tous, et non un cadeau du ciel. On peut d'ailleurs se demander si la France n'aurait pas intérêt à moins contribuer pour aider directement ses agriculteurs selon ses propres règles et en toute indépendance. Mais l'on veut faire croire que la renationalisation des politiques agricoles seraient la pire des choses. Prendre en compte le monde nouveau consisterait à tenir compte des réalités et de la volonté des peuples. Le discours officiel, partagé par des organisations agricoles, tend à faire croire que le Brexit est une catastrophe pour l'agriculture française.
LE BREXIT SI DANGEREUX?
C'est oublier que nos amis britanniques auront toujours envie de vin de Bordeaux ou de chou-fleur breton. Il serait donc plus astucieux, plutôt que de s'enfermer dans des grands principes communautaires, de préparer un accord commercial bilatéral entre la France et la Grande-Bretagne. Mais Bruxelles l'autoriserait-elle? Il s'agit aussi de remettre en place un dispositif douanier côté français, mais cela n'est pas nécessairement mauvais pour l'emploi.
D'autre part Emmanuel Macron fidèle à sa tactique d'abonder dans le sens des craintes, mais sans en tenir compte dans les faits, a affirmé, faisant allusion aux accords commerciaux tels que le CETA qu'il a laissé faire, que l'on devait pas accepter les produits ne correspondant pas aux critères européens, et il a encouragé l'orientation vers les produits de qualité (AOP). Or, jusqu'ici, on a pas la même vision de la qualité dans tous les pays, et sur le marché, le produit standardisé à prix accessible, tient encore une grande place. Autre thème: le glyphosate que le Président, dans la ligne de la critique irrationnelle, veut voir disparaître bien que les solutions de remplacement demeurent floues.
Quoi qu'il en soit, pendant une semaine, la Porte de Versailles n'offre pas aux visiteurs citadins toute la vérité de l'agriculture française qui n'est pas seulement celle des grandes exploitations.
UNE LETTRE OUVERTE DE LA COORDINATION RURALE
Dans une lettre ouverte au Président de la République la Coordination rurale estime "que l'agriculture fançaise ne va pas bien". Et d'ajouter:"les chiffres parlent d’eux mêmes : entre 2000 et 2016, plus d’un tiers des exploitations a disparu (-238 000) et le nombre d’emplois agricoles a reculé sur cette même période de plus de 16 000 unités par an ! Quel autre secteur de l’économie a ainsi été touché ? En 2016, 50 % des agriculteurs ont affiché des revenus inférieurs à 350 € par mois, aides PAC incluses (source MSA) et environ 1 500 agriculteurs déposent leur bilan chaque année (source : Banque de France). L’âge moyen des agriculteurs français est aujourd’hui de 50 ans, alors que l’âge moyen d’un actif français est de 41 ans. Dans les dix années à venir, 273 000 agriculteurs atteindront l’âge de la retraite et cesseront leur activité, et malheureusement les installations ne remplaçant pas les départs, la situation va donc continuer à se détériorer.
Avec un décès par suicide tous les 2 jours, les exploitants agricoles sont touchés par une surmortalité par suicide comprise entre 22 et 28 % par rapport à la population générale...."
Gilbert Garrouty