Claude Origet du Cluzeau:"le gisement culturel et touristique est quasi-inépuisable"


Claude ORIGET du CLUZEAU, est l'auteure d'un livre paru aux Editions de Boeck en 2013, "Le Tourisme Culturel, dynamique et prospective d’une passion durable". Dans l'interview qu'elle a bien voulu nous accorder, elle souligne à la fois les insuffisances et les perspectives d'une activité encore en devenir


Claude Origet du Cluzeau:"le gisement culturel et touristique est quasi-inépuisable"
Paysud:-Donc un livre sur le tourisme culturel. Vous avez écrit pour souligner ce qu’il est ou ce qu’il pourrait être ?
Claude Origet du Cluzeau:- L’un et l’autre : Le tourisme culturel, c’est aujourd’hui seulement 7% de l’ensemble des vacanciers qui ont pour motivation principale la découverte culturelle. Mais partout le contexte culturel imprègne les séjours de tous les partants, et cela se traduit ainsi par des pratiques occasionnelles, telles que visiter un site ou assister à un concert.
Ce que le tourisme culturel pourrait être, et est en train de devenir, grâce aux facilités offertes par internet pour s’informer et pour faire des réservations : un « programme à la carte », au gré des envies très précises et détaillées des partants
.
P.:- Au regard des propositions des voyagistes on a l’impression qu’il y a encore beaucoup à faire. Il semble que, seules, des associations, ou des agences confidentielles, permettent de trouver ce que l’on cherche ! Et à des prix…
C.O-: Les voyagistes sont avant tout des « ouvreurs de pistes » : non seulement ils repèrent les ressources culturelles majeures dans le monde, mais surtout ils en organisent l’accessibilité, et ceci n’est pas un vain mot quand on pense à la Muraille de Chine (par où y accéder ?) ou aux monastères grecs perchés, ou encore aux rares places d’Opéra à Bayreuth. ils assurent tous les transports, les hébergements, la restauration, les guidages…
Leurs limites, c’est qu’ils sont souvent des généralistes, producteurs de voyages simultanément sur beaucoup de destinations, ce qui limite leur implication culturelle sur chacune ; c’est pourquoi en effet, certaines agences ultra-spécialisées sur un thème –par exemple les « Battlefield tour-operators » britanniques, qui ne programment que des voyages autour des champs de bataille-, sont infiniment plus connaisseurs de leur sujet. Quant aux associations, dont l’existence ne tient qu’à leur intérêt pour une thématique et dont, par hypothèse, le temps n’est pas compté, elles peuvent être très performantes en termes de contenu culturel, mais leur rôle d’agent de voyage est très encadré.






"Trouver un autre nom que celui d'oenotourisme"

P.-: Les entrepreneurs du tourisme ne manquent-ils pas d’idées alors qu’ils dorment sur des trésors ?
C.O.:- Cette affirmation est tout à fait juste et elle repose sur deux constats :
1e-D’abord les entrepreneurs du tourisme sont morcelées en une pluralité de métiers et de concurrents qui ne coopèrent que rarement, dans un programme de voyagiste par exemple ; donc ils se cantonnent le plus souvent dans l’exercice de leur métier, et l’exploitation de leur établissement.
2e-Les relations entre gens du tourisme et gens de la culture sont une évidente nécessité mais il s’agit de deux mondes qui parfois coopèrent, mais le plus souvent s’ignorent : le monde du tourisme a conscience du rôle irremplaçable des ressources culturelles dans la dynamique du voyage, mais il méprise quelque peu ce monde bureaucratique et conservateur de la culture ; réciproquement, le monde de la culture, tout en reconnaissant que 60% des visiteurs de musées sont des touristes, se sent débordé par les professionnels du tourisme. Chaque destination en France et ailleurs recèle effectivement des trésors qui pourraient être davantage valorisés sur le plan touristique : le gisement culturel et touristique est quasi-inépuisable.

P.:- Quels mots "parlants" utiliser pour le grand public? Le terme "oenotourisme" cher à Bordeaux vous parait-il adapté?
C.O.-: En tourisme, il existe des termes qui sont, et doivent rester, uniquement à l’usage des professionnels car ils sont abscons ou disgracieux pour le public : c’est le cas de l’oenotourisme (comme pour les « centres d’interprétation », ou le « tourisme social » ou les « HLL/hébergements légers de loisirs » ou encore les « PRL/Parcs résidentiels de loisirs »). Je ne suis pas une spécialiste de la communication –des agences spécialisées font cela parfois très bien-, mais il est clair qu’il faut trouver, pour le public des touristes, un autre nom que celui d’oenotourisme.
Quant à la désignation du tourisme culturel, actuellement, le mot culture a repris un sens très positif (après des décennies de réputation d’ésotérisme ) et il serait donc dommage de s’en priver. J’utilise souvent le terme de « tourisme de découverte culturelle », assez générique, mais déclinable en tourisme urbain, tourisme de mémoire, tourisme de festival, etc.
Pour ce qui est du tourisme et du vin, là où la Californie et la région viticole du Cap en Afrique du Sud ont tout compris, c’est qu’elles ont créé des produits de visite et de séjour intimement incorporés à leurs productions à l’initiative des viticulteurs qui n’ont pas hésité à se professionnaliser en accueil touristique, plutôt que de bricoler des ouvertures de caves ni faites ni à faire : rien que dans l’Aude, j’ai dénombré 400 caves ouvertes au public, et la très grande majorité d’entre elles ne vaut pas tripette en termes d’accueil, ce qui tend à répandre une mauvaise réputation sur ces pseudo-produits....


LE LIVRE : Le tourisme culturel
Dynamique et prospective d’une passion durable

Claude Origet du Cluzeau
Préface : Jean-Luc Michaud
Collection : Tourisme, Compétences & Métiers
Editeur : De Boeck
Ouvrage de référence, "Le tourisme culturel" - dans une version totalement actualisée et enrichie - décrit la dynamique des rencontres entre des touristes à la curiosité culturelle et des sites artistiques ou des patrimoines vivants. Prix:20€

L'AUTEURE-Docteure en économie, CAPET en tourisme, diplômée de Cambridge en langue anglaise, Claude Origet du Cluzeau est ingénieure-conseil en tourisme et culture depuis 1982. Tour à tour à la Mission Interministérielle Corse, puis dans des filiales de la Caisse des Dépôts et Consignations, et enfin dans le Cabinet d’ingénierie qu’elle a créé en 1995, elle a mené plus de 200 missions au service des collectivités régionales, nationales et européennes : en Développement Touristique et Culturel de territoires, en Faisabilité de Projets, en Etude d’Impacts économiques et sociaux, en Audits, en Recherche Opérationnelle, toujours au service du tourisme et de la culture.
Mardi 7 Janvier 2014

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