Bordeaux: le grand débat autour du vin

Qu'il motive les médecins ou les scientifiques dans leurs activités, ou qu'il soit bu, le vin ne fait pas qu'accompagner les mets les plus savoureux: il fait pétiller les esprits, active les neurones des chercheurs ou des orateurs, fait éclater l'humour. L'amour aussi? Ce n'est pas exclu. Au cours de ce colloque des "alcoologues" aquitain qui se déroulait à Bordeaux sur le thème très évocateur des "Sarments d'H'ippocrate", le docteur Philippe Brenot, psychiatre, sexologue, anthropologue, ne laissait-il pas entendre que le breuvage peut être en quelque sorte l'élixir d'amour pour les femmes. Une déduction qui repose sur un constat rétrospectif : naguère, dans la société règlementée, la femme était seulement autorisée "à rougir son eau". "On savait que le vin rouge risquait de provoquer des pulsions". Mais notre époque ne s'embarrasse plus de telles considérations. "On trouve même des femmes qui boivent du vin rouge"! Philiippe Brenot qui intervenait sur le thème du "vin, du sexe, et de l'amour" évoquait les chemins du besoin, du désir, de l'érotisme, de la dépendance, aboutissant à un parallèle entre l'émotion sexuelle et l'émotion gustative. "La jouissance, dit-il, n'appartient qu'aux sensuels". A travers ces paroles on imagine en effet la froideur et la tristesse des buveurs d'eau, qui de plus, si on se réfère à des études sur le vin et la santé, ne sont pas pour autant assurés de vivre plus longtemps! Il n'empêche, constatait Philippe Brenot "le sexe et l'alcool ne font pas très bon ménage".

En matière de vin peut-on demeurer sur ce principe qui vaut pour bien des chose de la vie et selon lequel l'excès nuit en tout? Les consommateurs n'en sont plus sûrs depuis le constat de l'INCA (Institut National du Cancer) début 2009, selon lequel toute consommation d'alcool, même avec le vin consommé modérément, augmente les risques de cancer. Quelques semaines plus tard, l'étude "Cancéralcool" allait cependant à l'encontre de ces indications, révélant au contraire une réduction du nombre de cancers et de maladies cardio-vasculaires chez les hommes consommateurs de vin. Le docteur Jean-Pierre Rifler s'appuyait quant à lui sur ces études et sur celles qui ont révélé et confirmé le "French paradox" pour dédouaner le breuvage venu de la vigne. Les études simplement statistiques de Serge Renaud sont maintenant étayées par des observations plus précises, notamment concernant le rôle positif des polyphénols, dont le resvératrol. Selon lui, on peut boire deux trois verres par jour "c'est la meilleure façon de préserver nos artères".
Les divergences sur le sujet ne sont sans doute pas à la veille de se tarir. Mais il est une évidence qui est ressortie au cours de la table ronde "des sarments d'Hippocrate": c'est toute l'histoire et toute la culture du vin qui concerne particulièrement la France et les pays méditerranéens et sur laquelle on ne peut tirer un trait sans se détruire. Autre constat au terme de ces échanges: le rôle discutable du principe de précaution qui pourrait avoir guidé les rédacteurs de l'INCA..
Ont également participé à cette journée: Gérard Ostermann, président du CRAA (Collège Régional des Alcoologues Aquitains); Lionel Benichou, psychiatre; Boris Cyrulnik, psychiatre, Prix Renaudot de l'essai; Denis Dubourdieu, directeur de l'ISVV; Jacques Dupont (Le Point): Michel Faruch, psychiatre, psychanaliste; Benoit Fleury, président de l'ANPAA; Jean Maisondieu, psychiatre, essayiste; Eugénie Poret, anthropologue, Max Poty, docteur ès lettres, professeur à l'Université Paul Valéry de Montpellier; Alain Raynault, médecin, président du Cercle des Grands Crus Rive Droite (Gironde); Pier Vicenzo Piazza, directeur de recherche INSERM Unite 862 (Bordeaux).